Le système TRAPPIST-1, fascinant par ses sept planètes rocheuses de taille terrestre, dont trois situées dans la zone habitable, représente une opportunité unique pour étudier les atmosphères des exoplanètes. Le télescope spatial James Webb (JWST) joue un rôle clé en permettant de mesurer l’émission thermique de ces planètes tempérées. Une première campagne d’observation à λ=15 µm avait révélé une température de 503 K sur le côté jour de la planète TRAPPIST-1 b, suggérant l’absence d’atmosphère et une surface très sombre. Cependant, basée sur les observations d’une seconde campagne à λ=12,8 µm, cette nouvelle étude menée par le Département d’Astrophysique de l’IRFU du CEA Paris-Saclay a mesuré une température bien plus basse que celle attendue par le scénario précédent, obligeant ainsi les chercheurs à explorer de nouvelles pistes. Parmi les hypothèses envisagées, une atmosphère riche en CO₂ et en brumes est une possibilité, bien qu’un scénario de surface ultramafique volcanique semble plus probable. Pour résoudre ce mystère, une nouvelle phase d’observations a été lancée, visant à suivre le flux lumineux de la planète tout au long de son orbite.
Ce résultat a été publié dans la prestigieuse revue Nature Astronomy : « Combined analysis of the 12.8 and 15 μm JWST/MIRI eclipse observations of TRAPPIST-1 b »


L’émission thermique est rapidement devenue la méthode préférée pour étudier les exoplanètes rocheuses autour d’étoiles naines M durant les deux premières années du JWST, explique Pierre-Olivier Lagage, co-auteur principal de l’étude et directeur du Département d’Astrophysique au CEA. Concernant les planètes de TRAPPIST-1, les premières informations proviennent des mesures d’émission, car il reste difficile de distinguer les signaux atmosphériques et stellaires en transit.
Deux campagnes d’observation avec le JWST ont été menées pour étudier la planète TRAPPIST-1 b car, étant la plus proche de l’étoile hôte, elle émet davantage d’infrarouge que les autres planètes du système. Ces observations ont été réalisées avec l’imageur MIRIm, développé au CEA Paris-Saclay, en utilisant des filtres judicieusement choisis pour détecter la présence de dioxyde de carbone (CO₂) et mesurer sa teneur.
La première campagne, menée en 2023 par une équipe de la NASA en collaboration avec le Département d’Astrophysique de l’IRFU au CEA Paris-Saclay, a utilisé un filtre centré sur λ=15 µm. Ces observations ont permis de déterminer que le côté jour de TRAPPIST-1 b présente une température d’environ 503 K (+/- 26 K), marquant ainsi la toute première mesure directe de la température d’une planète rocheuse tempérée dans l’histoire de l’étude des exoplanètes.
Avec une telle température, les scientifiques ont suggéré que TRAPPIST-1 b aurait plutôt une « surface nue et sombre », où la planète ne posséderait pas d’atmosphère, et sa surface absorberait presque toute la lumière stellaire incidente (Greene et al., 2023). Cette hypothèse repose sur le fait que le CO₂ absorbe fortement à cette longueur d’onde ; une atmosphère riche en CO₂ aurait donc considérablement réduit le flux observé. Cependant, une mesure unique à une longueur d’onde ne suffit pas pour exclure tous les scénarios atmosphériques possibles.
Surface nue ou atmosphère complexe ?

Cette nouvelle étude, menée par une équipe du CEA Paris-Saclay, complète les observations précédentes en mesurant cette fois-ci le flux de TRAPPIST-1 b à 12,8 microns, une seconde bande d’absorption caractéristique du CO₂. Alors que le scénario initial de « surface sombre nue » proposé par Greene et al. (2023) prévoyait une température d’environ 227 °C à cette longueur d’onde, les chercheurs ont mesuré une température nettement plus basse, de 150 °C. Ce résultat invalide le scénario précédent, basé sur les observations à 15 microns, obligeant les chercheurs à explorer d’autres modèles de surface et d’atmosphère. Deux nouveaux scénarios semblent ressortir (cf. figure 3) :
- Scénario « surface nue ultramafic » : TRAPPIST-1 b serait dépourvue d’atmosphère, mais sa surface serait composée de roches ultramafiques, des roches volcaniques riches en minéraux qui émettent moins de lumière à 12,8 microns qu’une surface sombre classique. Ce résultat suggère l’existence possible de volcanisme, car sans ce processus créant de nouvelles roches, les roches seraient rapidement altérées et noircies par l’activité de l’étoile.
- Scénario « atmosphère riche en brumes de CO2 » : TRAPPIST-1 b possèderait une atmosphère riche en CO₂ avec d’épaisses brumes, formées de minuscules particules ou gouttelettes issues de réactions chimiques liées à l’activité volcanique ou au rayonnement solaire. Ces brumes absorberaient la lumière stellaire et provoqueraient un réchauffement des couches supérieures de l’atmosphère, créant une inversion thermique où la température augmente avec l’altitude. Ce phénomène, similaire à celui de la stratosphère terrestre – bien que lié ici au CO₂ et non à l’ozone – expliquerait une émission plus élevée à 15 microns par rapport à 12,8 microns, un comportement inattendu par rapport au CO₂ observé sur Terre ou Vénus.
Bien que les brumes soient déjà connues pour influencer la température et l’apparence atmosphérique, comme sur Titan, leur impact sur TRAPPIST-1 b reste surprenant. Cependant, les auteurs estiment que le scénario « surface nue ultramafique » est plus probable, en raison de la complexité et des incertitudes associées à la formation de telles brumes.
Nous avons été surpris de mesurer une température significativement plus basse qu’attendu. Nous pensions que le cas de TRAPPIST-1 b était clos, mais cette nouvelle longueur d’onde nous rappelle toutes les ambiguïtés qui existent pour décrire une planète à partir d’observations discrètes, souligne Elsa Ducrot, chercheuse au Département d’Astrophysique du CEA et autrice principale de cette étude. De plus, cette mesure a stimulé notre curiosité et nous a permis de proposer un scénario atmosphérique avec des brumes inédites en accord avec les données. Bien qu’il semble moins probable, il est très intéressant que la communauté scientifique puisse le prendre en compte dans l’interprétation des futures observations d’exoplanètes rocheuses.
Comment lever le mystère ?

Si une atmosphère est présente, la chaleur sera redistribuée du côté jour au côté nuit de la planète. Sans atmosphère, cette redistribution sera minimale, explique Michaël Gillon de l’Université de Liège, co-auteur de cette étude.
Ces réponses pourraient inaugurer une nouvelle ère dans l’étude des atmosphères des exoplanètes rocheuses.
Contacts CEA/IRFU: Elsa Ducrot, Pierre-Olivier Lagage