Les régions actives du Soleil sont le siège de puissantes émissions de rayonnement, appelées flares, qui figurent parmi les phénomènes les plus énergétiques de notre système solaire. Une sous-catégorie se distingue par le fait qu’un flare localisé dans l’atmosphère du Soleil en déclenche un autre ailleurs, à une autre longitude et latitude. On les appelle flares sympathiques. Toutefois, aucune preuve statistiquement robuste de leur existence n’avait encore été établie.
Une équipe de chercheurs affiliée au Département d’Astrophysique du CEA Paris-Saclay et au Département de Physique de l’Université de Montréal, au Canada, a démontré pour la première fois que les flares sympathiques sont déclenchés dans un intervalle de 30 minutes, impliquant des régions actives séparées d’environ 30°. Cette distance correspond à l’écart typique entre les deux points d’ancrage des boucles magnétiques, suggérant que ces flares sont causés par la connectivité magnétique entre ces régions actives. Ce phénomène concerne environ 5 % des éruptions solaires situées dans un même hémisphère. En revanche, lorsque les régions actives sont séparées par l’équateur solaire, le phénomène est inversé : le champ magnétique inhiberait les éruptions au lieu de les favoriser. Ce phénomène, nommé flares antipathiques, est rapporté pour la première fois dans cet article.
Cette étude fait l’objet d’une publication dans le journal Astronomy & Astrophysics : “Flaring together: A preferred angular separation between sympathetic flares on the Sun”. De plus, l’une des figures de l’étude illustrera la couverture d’une édition mensuelle du journal A&A.

Mentionnées pour la première fois par des astronomes chinois vers 25 avant J.-C., les taches solaires sont des régions actives où le champ magnétique solaire perce la surface de notre étoile, figeant au passage le plasma. Le renouvellement du plasma par convection étant ainsi arrêté, ces zones se refroidissent et apparaissent sombres par contraste avec le reste de la surface, plus chaude.
Le nombre et la taille de ces taches solaires sont liés au cycle magnétique du Soleil, qui a une période moyenne d’environ 11 ans entre deux maximums. Lors des phases de maximum d’activité, comme c’est le cas actuellement, l’activité solaire peut être particulièrement intense, avec un grand nombre de taches solaires dont la taille peut atteindre plusieurs fois le diamètre de la Terre, les rendant ainsi visibles à l’œil nu avec un équipement adapté.
Le champ magnétique concentré dans ces régions actives renferme une immense quantité d’énergie, qui peut être libérée sous forme de flares, d’intenses émissions de rayonnement lumineux, ou d’éjections de masse coronale, des éjections de matière extrêmement énergétiques. Ces phénomènes figurent d’ailleurs parmi les plus énergétiques de notre système solaire.
En 1951, le scientifique Richardson et son équipe ont découvert qu’un flare émis par une région active pouvait presque simultanément en déclencher un autre dans une région active à proximité (cf. Vidéo). Ce phénomène, appelé flare sympathique, n’avait cependant pas encore été établi avec certitude d’un point de vue statistique sur le Soleil, et les mécanismes sous-jacents restaient encore mal compris.
Les flares sympathiques scrutés à la loupe

Afin d’évaluer ce phénomène de manière statistique, les chercheurs ont analysé un large ensemble d’éruptions solaires survenues au cours des deux derniers cycles solaires. Ces observations ont été réalisées grâce à trois missions spatiales : le Solar Dynamics Observatory (SDO), RHESSI et Solar Orbiter, utilisant l’instrument STIX dont les détecteurs Caliste ont été développés au CEA-IRFU.
Les chercheurs ont d’abord constaté que les flares sympathiques représentent environ 5 % des éruptions solaires, démontrant statistiquement que les régions actives peuvent interagir entre elles, ce qui augmente le taux d’éruptions solaires.
Ils ont ensuite mesuré, pour la première fois, que la distance typique entre deux régions actives à l’origine de ces éruptions sympathiques est d’environ 30 degrés. Ils ont également déterminé que l’intervalle de temps séparant deux éruptions successives est inférieur à 30 minutes (voir Figure 2).
Enfin, pour comprendre l’origine de ce phénomène, ils ont mesuré, sur l’ensemble du disque solaire, la distance moyenne entre les points d’ancrage des boucles magnétiques, c’est-à-dire les zones où le champ magnétique émerge et rentre à la surface. Étonnamment, cette distance, estimée à 30 degrés, correspond à celle qui sépare les régions actives à l’origine des flares sympathiques. Cette corrélation a permis d’attribuer la cause de ce phénomène à la connectivité magnétique entre deux régions actives.
Des flares pas toujours sympathiques

Alors que les flares sympathiques provoquent un excès d’éruptions lorsque des régions actives sont séparées de 30°, les chercheurs ont été surpris de constater que lorsque ces régions actives étaient séparées par l’équateur, la quantité d’éruption diminuait significativement (voir Figure 3). Cette inhibition des flares pourrait s’expliquer par la différence de configuration du champ magnétique entre les deux hémisphères. Ce phénomène, identifié pour la première fois dans cette étude, a été baptisé flares antipathiques.
Cette découverte inédite soulève des questions fascinantes sur les mécanismes physiques à l’origine des éruptions solaires sympathiques et antipathiques, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour les recherches futures.
Contacts CEA/IRFU : Antoine STRUGAREK et Louis-Simon GUITE