Matteo BUGLI, astrophysicien spécialiste en modélisation numérique des supernovæ, vient de recevoir la bourse européenne « ERC Starting » pour son projet BlackJET qui fournira une description unifiée de la formation des sursauts gamma longs en modélisant de manière cohérente toutes les étapes, depuis le début de l’effondrement stellaire jusqu’à l’émission électromagnétique observée.

BlackJET (Unified models of long gamma-ray bursts: from stellar progenitors and Black holes to Jets and Electromagnetic Transients) aura un impact révolutionnaire principalement dans trois domaines de recherche :
- la fin de vie des étoiles massives,
- la modélisation des jets de particules relativistes issues de cet effondrement gravitationnel
- et l’astronomie des sursauts gamma observés par des satellites (comme le satellite SVOM récemment lancé en 2024).
Son approche théorique globale combine, pour la première fois, différentes stratégies de simulation qui permettront de décrire la complexité des explosions stellaires produisant des flux de particules relativistes et couvrant huit ordres de grandeur en échelles spatiales, et 5 ordres de grandeur en temps. En reproduisant l’effondrement d’un grand nombre d’étoiles avec des masses et des vitesses de rotation différentes, ce projet comblera le fossé qui sépare actuellement les modèles numériques ab initio d’étoiles en effondrement des données d’observation à haute énergie, fournissant ainsi des informations cruciales sur les mécanismes fondamentaux qui régissent la formation des sursauts gamma longs (LGRB)

Les LGRB sont les explosions les plus violentes de l’Univers après le Big Bang ; en moins d’une seconde un sursaut gamma émet plus d’énergie que le soleil en 10 milliards d’années. Ils se produisent lors de l’effondrement d’une étoile massive dont la masse est supérieure à 20 fois celle du soleil et qui subit un effondrement gravitationnel à la fin de sa vie laissant derrière elle un objet compact nouvellement formé et émet de puissants jets relativistes (constituée de noyaux atomiques et d’électrons avec une vitesse proche de celle de la lumiére).
Plus de 55 ans après leur découverte, le mécanisme responsable de l’émission électromagnétique des LGRB reste incertain, tout comme la nature de l’objet compact en accrétion (qui peut être un trou noir ou une étoile à néutron) qui alimente le jet relativiste.
L’énorme écart d’échelles spatiales et temporelles entre les différents processus :
- L’effondrement gravitationnel et le déclenchement de l’explosion de la supernova
- La propagation du jet à travers et à l’extérieur de l’étoile
- Et la production d’émissions à haute énergie par le jet à grande distance (émission prompte et rémanente)
oblige généralement les modèles théoriques et numériques à se concentrer sur une étape spécifique du LGRB, plutôt que de les considérer tous à la fois.

Crédit illustration @ Aurélie Bordenave
À ce jour, deux questions fondamentales restent sans réponse :
- Quel est le principal mécanisme d’émission de la matière ? Plusieurs modèles sont actuellement proposés, qui sont dans certains cas mutuellement exclusifs et dépendent fortement des propriétés du jet et de la dynamique du moteur central.
- Quel est le moteur central d’un LGRB ? À ce jour, deux scénarios concurrents sont avancés, impliquant soit un trou noir en accrétion, soit une proto-étoile à neutrons hautement magnétisée (magnétar milliseconde).
En combinant des modèles de supernovas à effondrement de cœur à la pointe de la technologie avec des simulations de jets relativistes accélérés par GPU sur supercalculateurs haute performance (comme Joliot-Cure au TGCC, Adastra au CINES et Leonardo au CINECA), le projet BlackJET fournira une description unifiée des LGRB en modélisant de manière cohérente toutes les étapes, depuis le début de l’effondrement stellaire jusqu’à l’émission électromagnétique observée.
Cette approche holistique, qui relie directement les étapes les plus importantes de la production d’un LGRB, dévoilera le lien étroit entre le progéniteur stellaire, le moteur central en accrétion et le jet relativiste, révélant finalement les signatures observationnelles qu’un progéniteur LGRB réaliste devrait produire. En comblant le fossé entre la fin de vie d’une étoile massive et l’astronomie des GRB, nous serons en mesure de répondre efficacement aux questions fondamentales sur la nature des LGRB.
Contact: Matteo Bugli

