• Post category:News

Lancé en 2021, le JWST s’est révélé redoutable dans la caractérisation d’exoplanètes déjà connues. Mais ce satellite aux images incroyables ne s’arrête pas là, il part aussi à la chasse de nouvelles exoplanètes ! Une équipe internationale de chercheurs menée par Chas Beichman (JPL et Caltech) et composée de chercheurs de département d’astrophysique de l’Irfu (DAp) vient de publier deux articles dans Astrophysical Journal Letters qui apportent de solides éléments en faveur de la présence d’une exoplanète géante évoluant dans la zone habitable de l’étoile Alpha Centuri A, l’étoile similaire au Soleil la plus proche de nous. Les observations ont été faites avec l’imager MIRIm du JWST, développé principalement en France.

Credit: Artwork: NASA, ESA, CSA, STScI, R. Hurt (Caltech/IPAC)

Plus de 6 000 exoplanètes ont été détectées à ce jour, alors pourquoi s’acharner à en chercher une de plus autour d’Alpha Centuri A ? Et bien tout simplement parce que d’Alpha Centuri A est l’étoile similaire au Soleil la plus proche de nous : elle est située seulement à 4,37 années-lumière. A cette distance, il est possible d’explorer la présence d’exoplanètes dans sa zone dite ‘habitable’ par la technique d’imagerie directe. Mais pointer le télescope sur le système Alpha Centuri ne suffit pas pour observer une exoplanète. En effet, celle-ci proche de son étoile voit son rayonnement totalement masqué par l’énorme luminosité d’Alpha Centuri A.

Des observations extrêmement difficiles mais pas impossible grâce à un dispositif qui permet de bloquer la lumière de l’étoile. L’instrument MIRI (Mid InfraRed Instrument) du JWST est équipé d’un tel dispositif, un coronographe. Cependant, même avec le coronographe, il reste des résidus de lumière de l’étoile qu’il faut enlever en observant une étoile de référence. Les observations des alentours d’alpha Centuri A présentent des difficultés supplémentaires, comme la pollution lumineuse par l’étoile compagnon d’Alpha Centuri A : Alpha Centauri B.

Cette image en trois panneaux montre la recherche observationnelle menée avec le télescope spatial James Webb de la NASA pour trouver une planète autour de l’étoile la plus proche du Soleil, Alpha Centauri A. L’image initiale montre l’éblouissement lumineux d’Alpha Centauri A et de son étoile compagnon, Alpha Centauri B. Le panneau central montre l’image en utilisant le mode coronographique pour bloquer l’éblouissement lumineux par Alpha Centauri A. Dans le panneau de droite, les astronomes ont nettoyé l’image à l’aide d’images de référence et d’algorithmes, ce qui a permis de révéler la planète candidate. Crédit : Science : NASA, ESA, CSA, STScI, A. Sanghi (Caltech), C. Beichman (JPL), D. Mawet (Caltech) ; Traitement de l’image : J. DePasquale (STScI)

Les premières séries d’observations du système ont eu lieu en août 2024 : un objet plus de 10000 fois plus faible qu’Alpha Centauri A, séparé de l’étoile par une distance environ deux fois celle entre le Soleil et la Terre, a été détecté. Deux autres observations ont été réalisées en février 2025 et avril 2025 ; elles n’ont révélé aucun objet similaire à celui identifié en août 2024. Ces non-détections, loin d’annuler l’enthousiasme de la première détection, ont permis de donner des contraintes sur l’orbite de l’exoplanète.

En prenant en compte la luminosité de la planète potentiellement observée et des simulations orbitales, le scénario privilégié pour le moment est la présence d’une exoplanète d’une masse similaire à celle de Saturne, orbitant autour d’Alpha Centauri A sur une trajectoire elliptique variant entre 1 et 2 fois la distance entre le Soleil et la Terre. En février et avril, l’exoplanète aurait été trop proche de l’étoile pour être détectée.

Cette illustration artistique montre à quoi pourrait ressembler la géante gazeuse en orbite autour d’Alpha Centauri A. Les observations d’Alpha Centauri A réalisées à l’aide du télescope spatial James Webb de la NASA indiquent la présence potentielle d’une géante gazeuse, d’une masse similaire à celle de Saturne, en orbite autour de l’étoile à une distance environ deux fois supérieure à celle qui sépare le Soleil de la Terre. Dans cette illustration, Alpha Centauri A est représentée en haut à gauche de la planète, tandis que l’autre étoile similaire au Soleil du système, Alpha Centauri B, se trouve en haut à droite. Notre Soleil est représenté par un petit point lumineux entre ces deux étoiles. Crédit : Artwork: NASA, ESA, CSA, STScI, R. Hurt (Caltech/IPAC)

« Alpha Centauri A est déjà dans la liste des cibles privilégiées pour les observations qui seront faites à partir de 2030 avec l’instrument METIS de l’Extremely Large Telescope de l’ESO en cours de développement. Avec un miroir primaire de 39 m, à comparer à 6,5 m pour le JWST, la lumière de l’étoile sera beaucoup plus concentrée et la planète devrait être très visible. Alpha Centuri n’a pas fini d’intéresser les astronomes ! » s’exclame Pierre-Olivier Lagage, coauteur des deux publications, responsable scientifique français du développement de MIRI et membre de l’équipe scientifique METIS.

Si la présence de cette exoplanète est confirmée par de futures observations avec le JWST, alors cette exoplanète qui, de par sa grande proximité, offre de multiples possibilités de caractérisation détaillée, deviendra un objet de référence pour la science des exoplanètes.

Contact : Pierre-Olivier Lagage

Références